Désaccords quant à l'image de marque

L'identité Porsche en question

  • L'absence de définition de la marque entraîne une allocation des ressources non optimale. Vu que les ventes avaient diminué en 1987, mais aussi en 1988 et 1989, les familles Porsche et Piëch décidèrent de changer le management et d'insister sur l'aspect marketing, en plaçant Arno Bohn en 1990, alors directeur marketing de l'entreprise d'informatique Nixdorf. Sa tâche était de repenser la gamme de produits. Ce qui déclencha un conflit interne sur ce que devrait être une Porsche. Des projets différents furent proposés, d'une remplaçante des 914 et 924 en entrée de gamme, ou une berline très performante, ou une voiture de sport extrême à deux places comme la 959.
  • Durant ces années de crise, les dirigeants n'avaient pas en effet une idée précise de ce qu'était une Porsche, et donc de la manière de faire évoluer la gamme. C'est pour cela que la 928 était censée remplacer l'irremplaçable 911, et que la 924 paraissait bas de gamme pour ce constructeur de prestige. Arno Bohn considéra d'ailleurs que le marché des 944 devait être laissé aux constructeurs japonais, ce qui n'était pas l'avis de tous. Porsche a ainsi commis plusieurs erreurs d'allocation des ressources, alors que ses ressources étaient plus limitées que celles d'autres entreprises.

Le projet 989 d'une berline Porsche

  • Peter Schutz avait lancé l'étude d'une berline Porsche à 4 portes et 4 places sous la dénomination Type 989. Une propulsion à moteur V8 refroidi par eau situé à l'avant. Le lancement de ce modèle était prévu pour 1994. La 989 avait pour vocation de concurrencer les puissantes berlines BMW et Mercedes, et devait remplacer la 928 en haut de la gamme Porsche. L'idée était de proposer aux porschistes dont la famille s'agrandit une voiture plus grande et plus confortable que la 911 ou la 928. Le design de cette 989 était très réussi, et ressemblait fortement à une 911 qu'on aurait allongée. En fait, Harm Lagaay, son designer, avait fait en sorte que la 989 donne l'impression d'avoir un moteur à l'arrière, comme la 911. La 989 devait rester une Porsche, et ainsi être légère, ce qui obligeait ses concepteurs à opter pour une carrosserie en aluminium qui se montrera difficile à industrialiser au niveau du pressage et des soudures.
  • Ce projet ne fit jamais l'unanimité au sein du management, et il fut abandonné début 1992 (officiellement pour cause de rentabilité) ce qui provoqua le départ du CEO Arno Bohn, après de longues polémiques au sein de l'entreprise.
  • Le problème était que le développement de la 989 rencontrait des difficultés techniques, et que le coût de revient s'en ressentit. En 1990, le prix de vente estimé était de 115.000 DM. Paul Frère, célèbre journaliste et coureur automobile, estimait ainsi les ventes entre 5.000 et 10.000 unités par an. La famille Porsche mit en doute la possibilité de vendre à profit ce modèle pour le coût annoncé, et exigea que soit recalculé le prix de revient qui fut alors estimé à 165.000 DM, soit le prix d'une concurrente de la 989, la Mercedes 500 E. Le prix de vente devait donc être revu à la hausse, ce qui ne permettait plus que d'espérer en vendre 1.500 à 3.000 unités par an, en dessous du seuil de rentabilité.
  • Le coût du développement d'un modèle qui ne verra jamais le jour fut énorme. Certaines technologies développées pour la 989 purent cependant être réutilisées, comme les suspensions pour la 911 Type 993.
  • On peut ainsi se poser la question de l'intérêt stratégique pour Porsche de proposer en 1994 une berline puissante. Ce modèle aurait-il fonctionné ? Il est difficile de le dire aujourd'hui. Notre avis est qu'une berline Porsche en 1994 aurait choqué la clientèle. La Panamera actuelle a pu s'appuyer sur le changement de la conception de la marque auprès du public suite aux 911 Type 996 et au Cayenne. Ce qui est sûr, c'est que tout le monde au sein de Porsche n'était pas d'accord avec l'idée de produire une berline, ce qui montre qu'il n'y avait pas d'accord sur ce qu'est une Porsche, et il était donc difficile d'allouer les ressources dans les projets adéquats. De plus, cet exemple montre que Porsche ne contrôlait pas ses coûts et donc sa rentabilité, l'accent étant mis sur la performance et non la rentabilité. Le projet dut être abandonné, ce qui occasionna un gaspillage des ressources.

Le « Porsche Experimental Prototype »

  • Un prototype est lancé en 1987, le « Porsche Experimental Prototype » (PEP). L'originalité du véhicule est d'être composé de modules qui permettent de changer la place du moteur. On obtient ainsi un moteur en position avant (comme la 924), centrale (comme la 914) ou arrière (comme la 911). Il faut avouer qu'il était prévisible que ce prototype ne remporterait pas un grand succès. Porsche avait voulu remplacer la 911 à moteur arrière par la 928 à moteur avant, ce que n'ont pas accepté les fidèles clients de la marque. Ce prototype montre ainsi que Porsche, en 1987, hésite encore quant à la configuration de ses véhicules.

Le projet « Ultra Low Emission Vehicle »

  • En 1991, le projet « Ultra Low Emission Vehicle » (ULEV) est lancé. Il s'agit d'un petit coupé disposant d'un moteur de 4 cylindres de seulement un litre de cylindrée. Ce projet avait pour objectif d'imaginer la Porsche de l'an 2020. On peut se demander pourquoi Porsche lance ce type de projet en 1991, alors que l'entreprise est en perte. Ce type de voiture est à comparer aux Lotus Elise et Smart Roadster, mais ne correspond pas à l'image de marque de Porsche de l'époque. Encore une fois, une définition de ce que devrait être une Porsche aurait permis de ne pas perdre des ressources inutilement.